Recensement, évaluation et comptabilisation
des engagements sociaux des entreprises
Toutes les entreprises ont, dans le domaine social, des engagements envers leurs salariés : ces engagements doivent se traduire par une charge comptable. Ces engagements sont parfois complexes et différés dans le temps, l’entreprise est alors confrontée, à chaque clôture, à une obligation d’évaluation.
Tel est le cas, par exemple :
- des Indemnités de Fin de Carrière (IFC) ;
- des droits à un Régime de Retraite Supplémentaire (en France ou à l’étranger) ;
- de la participation à une complémentaire santé couvrant les retraités ;
- des gratifications liées à l’ancienneté (Médailles du Travail, jubilés, etc.) ;
- du Droit Individuel à la Formation (DIF) ;
- de l’attribution de stock-options ou d’actions gratuites ;
- des congés de fin de carrière et le Compte Epargne Temps (CET) ;
- des Plans d’Epargne Entreprise (PEE) ;
- etc.
Dans tous ces cas, il importe de mesurer le poids exact des engagements et d’anticiper les charges futures … d’où la nécessité d’une évaluation actuarielle : d’un avantage futur non mesurable et souvent hypothétique, l’évaluation actuarielle permet de déterminer un montant précis. Il s’agit donc de valoriser des prestations différées, actualisées et probabilisées.
Un inventaire exhaustif des avantages accordés aux salariés est nécessaire et préalable à toute autre investigation. Il s’agit de la conduite d’un audit actuariel transverse au sein de l’entreprise ou du Groupe.
L’audit doit à la fois porter sur les accords entre l’entreprise et les salariés, mais aussi sur les accords entre l’entreprise et les organismes de gestion :
- les avantages sociaux sont structurés à partir du contrat de travail, des accords d’entreprise, des conventions collectives, des usages, etc. Ainsi sont déterminées les obligations de l’entreprise vis-à-vis de ses salariés ;
- les organismes, auprès desquels les engagements peuvent être couverts, regroupent les compagnies d’assurance, les institutions de prévoyance et les mutuelles agréées.
Les différents avantages accordés aux salariés doivent être classés par catégorie. On en distingue en général cinq :
- les avantages à court terme ;
- les avantages postérieurs à l’emploi ;
- les avantages de fin de contrat de travail ;
- les autres avantages à long terme ; et
- les avantages fondés sur des actions (stock-options par exemple).
Parmi les avantages postérieurs à l’emploi, on distingue alors :
- les régimes à cotisations définies (capitalisation), pour lesquels les prestations promises dépendent des cotisations augmentées du rendement de leur placement. Ils sont le plus souvent facultatifs ;
- les régimes à prestations définies, pour lesquels les prestations sont fixées à un certain montant, indépendant de la couverture financière des engagements.
Des règles d’évaluation et de comptabilisation différentes ont été prévues en fonction de la nature de l’avantage octroyé et du référentiel comptable applicable.
En France, les textes applicables aux sociétés non cotées sont le Plan Comptable Général (PCG), le règlement CRC 99-02 et la Recommandation 2003-R.01 du CNC relative aux règles de comptabilisation et d’évaluation des engagements de retraite et avantages similaires.
Pour les sociétés cotées établissant des comptes consolidés, ce sont les normes IFRS qui s’appliquent et plus précisément la norme IAS 19 révisée pour les avantages du personnel et la norme IFRS 2 pour les stock-options.
On peut également être amené à appliquer les principes des normes américaines (normes FAS 87, 88 et 132 pour les engagements de retraite et norme FAS 123R pour les stock-options).
Le choix du référentiel comptable est primordial car les règles d’évaluation et de comptabilisation peuvent être radicalement différentes. Par exemple, bien que les textes français s’inspirent fortement de la norme IAS 19, ils ne rendent pas la constitution de passifs de retraite obligatoire et la norme IFRS 2 n’a pas d’équivalent en normes françaises.
Les référentiels comptables prévoient des règles précises permettant d’associer les techniques actuarielles (propres à l’actuaire) aux techniques comptables (propres au comptable). De manière schématique, la détermination du montant à porter au passif comporte les deux étapes suivantes :
- dans un premier temps, l’évaluation de l’engagement total, qui représente la contrepartie financière de la globalité de la promesse faite par l’employeur ; puis
- dans un deuxième temps, la répartition de cet engagement total entre une part affectable au passé, représentative de droits acquis, et la part complémentaire représentative de droits futurs, restant à acquérir.
La première étape relève de la compétence de l’actuaire et met en jeu des techniques de projection des montants financiers aléatoires associés au régime considéré. Elle conduit à la notion de « Valeur Actuelle Probable » (VAP) du régime.
La seconde étape fait en général appel au référentiel comptable permettant de fixer les modalités de répartition de cette VAP entre le passé et le futur : elle conduit par exemple en normes IFRS à la notion de « Projected Benefit Obligation » (PBO), représentative des droits passés.
Les référentiels comptables ont prévu les différentes méthodes d’évaluation devant être appliquées. Par exemple, pour les régimes à prestations définies, la norme IAS 19 et la Recommandation 2003-R.01 imposent l’utilisation de la méthode des « unités de crédit projetées ». Pour les stock-options, la norme IFRS 2 et la norme FAS 123R requièrent l’utilisation de modèles mathématiques spécifiques pour évaluer l’avantage octroyé (modèle de Black-Scholes-Merton, modèle binomial, etc.).
Les hypothèses actuarielles sont les paramètres d’entrée des modèles d’évaluation retenus. Elles peuvent être de trois natures :
Hypothèses démographiques – Les prestations peuvent être soumises à un certain nombre de conditions telles que la survie ou encore la présence dans la société du salarié au moment du départ en retraite. Il est alors nécessaire d’utiliser des tables de mortalité et des tables de turn-over pour les évaluations.
Hypothèses financières – De nombreux engagements sont calculés à partir de valeurs actualisées. Le choix du taux d’actualisation apparaît donc primordial et des règles précises ont été prévues pour en déterminer la valeur.
Hypothèses économiques - Le coût d’une prestation acquise mais payée dans le futur n’est, en général, pas certain. Il peut, par exemple, être exprimé sous la forme d’un pourcentage du salaire au moment de la retraite, lequel n’est pas connu de manière certaine aujourd’hui, ou encore dépendre du coût des prestations médicales qui peut également évoluer. Il est alors nécessaire de fixer des hypothèses d’évolution de ces différentes grandeurs pour effectuer les évaluations.
En France, les provisions constituées pour les avantages octroyés pendant la durée d’activité du salarié sont en général déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. On peut par exemple citer les provisions pour congés payés, les provisions pour Médailles du Travail, etc.
Par contre, les provisions constituées pour les engagements de retraite et avantages assimilés ne sont pas déductibles. En effet, l’article 39 du Code Général des Impôts stipule : « Toutefois, ne sont pas déductibles les provisions que constitue une entreprise en vue de faire face au versement d’allocations en raison du départ à la retraite ou préretraite des membres ou anciens membres de son personnel, ou de ses mandataires sociaux. »
Cependant, si l’entreprise choisit de confier la gestion du régime de retraite à un organisme extérieur (compagnie d’assurance ou mutuelle), les primes versées deviennent alors déductibles de l’impôt sur les sociétés.